Vendredi 14 mars 2020

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Ne pas négliger les gestes simples: se laver les mains régulièrement avec du savon, éternuer ou tousser dans sa manche, utiliser des mouchoirs à usage unique et les jeter immédiatement, éviter de se toucher le visage avec les mains (vecteur principal de transmission), garder une distance raisonnable avec autrui, rester chez soi en cas de suspicion du virus (fièvre, difficultés respiratoires, toux -> appeler le 15 (112 depuis le téléphone mobile). [Recommendation de l’OMS]


Vendredi 14 mars 2020. Nous avons appris hier soir que les écoles, crèches, collèges, lycées, universités seraient fermés dès lundi.
Le discours du président a commencé en douceur avec l’annonce du maintien des élections municipales ce dimanche. Puis les choses dites ont évolué. Les EHPAD*s restent fermés aux visites extérieures. Les établissement scolaires et universitaires fermeront eux aussi leurs portes. Le télétravail est fortement recommandé. Les conséquences économiques seront considérées, le chômage technique une option dorénavant à envisager.
Après le soulagement qu’enfin une décision soit prise, l’excitation a suivi. L’impression qu’on est en train de vivre quelque chose de nouveau, d’inédit. Puis doucement, insidieusement, le doute s’installe. Une vague de choc secoue le pays. On était nonchalants. Malgré les signes inquiétants qui s’accumulaient, avec la mise en quarantaine de toute l’Italie, deuxième pays le plus gravement touché après la Chine. On se disait certainement qu’on passerait à travers, on espérait probablement que notre système hospitalier serait assez solide pour accueillir toutes les personnes contaminées par le coronavirus, qui restait alors aussi inoffensif que le virus saisonnier de la grippe hivernale. Du moins c’est ce qu’on se répétait.
La France est le dixième pays européen à fermer ses écoles et universités. Quelques heures plus tard, la Belgique annonce à son tour des mesures similaires et des restrictions supplémentaires comme la fermeture des restaurants, bars, cafés, discothèques. En Italie, l’on apprend à travers les écrits d’une romancière le quotidien de la quarantaine. Ce manque des interactions sociales, le repliement forcé chez soi qui mettent à l’épreuve relations conjugales et relations familiales. En Iran, les médecins se partagent un même masque, faute de moyens et conséquences des politiques internationales de bloquer le pays par des sanctions économiques.
Les compagnies aériennes diminuent leurs vols, ferment des destinations. Les bateaux de croisière sont suspendus. Les frontières sont durcies, telle une tentative désespérée d’empêcher le passage du virus à travers des murs symboliques. Les évènements divers, les manifestations culturelles, sportives, politiques sont reportés, supprimés. Les rassemblements sont d’abord limités à 1000 puis à 100 personnes.
Les réseaux sociaux deviennent source de réconfort et source d’angoisse. Des vérités et leur contraire, de fausses informations et leur démenti circulent, entrainés dans une danse saccadée. Des mesures à la hâte sont prises pour tenter de garder les choses opérantes. On réorganise ses temps et façons de travailler. On entre dans une nouvelle ère temporelle où les secondes et minutes s’étirent immanquablement.
Dans les supermarchés c’est la ruée vers les denrées non périssables. Partout, les gels hydroalcooliques, les gants, les masques sont en rupture de stock. La paranoïa s’installe et raisonne de comportements irrationnels.
Les dubitatifs ne manquent pas, bien évidemment. Les non-concernés, les sarcastiques ne semblent pas vouloir se plier à l’évidence d’une situation devenue préoccupante.
On tente de se raisonner, on inspire de grandes bouffées d’air en regardant autour de soi, l’air méfiant. On se sent désemparés, impuissants. On ne contrôle plus la situation. Que faire? Qu’éviter? Et si j’étais malade? Si mon conjoint était malade? Mon chat risque-t-il de me transmettre ce fichu virus? On regrette que ce ne soit plus qu’une simple grippe. On regarde le ciel. Devrais-je profiter d’être encore libre pour aller me promener, voir la rivière peut-être une dernière fois avant de me calfeutrer? Combien de kilos de pâtes me reste-t-il? Pourquoi ne renvoie-t-on pas tout le monde chez soi? Est-il déjà trop tard? Pourquoi n’a-t-on pas pris ces mesures plus tôt? Ai-je raison de tant m’en faire?
On commencera bientôt à rêver de nouveaux horizons, à imaginer de nouvelles réalités. Ne pourrait-on pas en profiter pour mieux recommencer? Pour tenter d’autres alternatives?
Que font les gens seuls chez eux? A quoi peuvent-ils penser en regardant le ciel par ce coin de fenêtre?
Que font les gens qui constatent une montée de fièvre? Qui se mettent à tousser, de cette toux sèche, caractéristique du virus? Qui vont-ils/elles appeler en premier?
On est hyperconnectés, on s’accroche à l’internet. On se trouve de nouvelles occupations. On est comme des lions en cage. Quand pourra-t-on à nouveau sortir? Aller se faire un petit restaurant? Boire un verre entre ami.es ou entre collègues? Voir ce film au cinéma que l’on avait prévu d’aller voir la semaine prochaine justement?

J’ai oublié le bruit des pas qui claquent sur le parvis. Ce brouhaha des gens qui se parlent dans la rue, des conversations entre commerçants, du bruit des tasses dans ce café devant lequel je passais en allant travailler.
Dans quel état de torpeur se réveillera-t-on? Ressentirons-nous de la honte envers certains des comportements que nous aurons eu? Certaines choses que nous aurons dites?
S’en voudra-t-on de ne pas avoir su protéger les populations les plus fragiles lorsqu’on a préféré mettre son confort en avant? Se promettra-t-on d’être plus vigilants la prochaine fois? Plus réactifs?

***

Je pense à toutes ces personnes isolées dont personne ne se soucie pas ou plus. Je pense à ces personnes plus fragiles qui entendent des remarques blessantes (‘ça fera du tri, on est trop nombreux’). Je pense à ces personnes victimes de racisme, que l’apparition du virus a ravivé. Je pense à ces personnes qui ont perdu et/ou qui perdront des proches. Je pense au corps médical et paramédical qui se dévoue corps et âmes malgré les moyens limités, qui a dû ou devra faire face à des choix qui ne devraient pas se présenter, qui compte et comptera de nombreuses victimes dans ses rangs. Je pense à la chance que j’ai, privilégiée que je suis, d’avoir un toit et une bonne santé.


* EHPAD: Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes

Références

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